Comprendre la réforme des retraites - Eric Woerth répond aux questions majeures


Allocution d'Eric Woerth au Sénat

Allocution prononcée à l'occasion du début de la discussion du projet de loi sur la réforme des retraites au Sénat le 5 octobre 2010.

.Je voudrais commencer par répondre aux questions que tout le monde se pose aujourd’hui.

1.D’abord, y-a-t-il un blocage, comme certains le prétendent ?

La réalité, c’est qu’il n’y a pas de blocage, il y a un débat, et ce débat se poursuit.
Nous avons beaucoup discuté avec les partenaires sociaux pour améliorer notre projet initial. Nous avons pris en compte la pénibilité comme jamais elle n'a été prise en compte dans aucun autre pays.
Au cours du débat en commission, nous avons fait avancer les choses pour les handicapés, nous avons fait avancer les choses pour les chômeurs seniors, nous avons fait avancer les choses sur nombre de sujets, et nous pourrons sans doute encore avancer, dans le respect de l’équilibre du texte.
Les syndicats font des propositions. Le Gouvernement a dit qu’il était prêt à des avancées.
Il n’y a pas de blocage, mais il n’y a pas de solution miracle non plus.

2.La deuxième question en effet, c’est celle-ci : pour réformer nos retraites, y a-t-il d’autres solutions que le recul de l’âge de la retraite ?

D’abord, si vous posez la question aux Français : « Voulez-vous, oui ou non, sauver le régime par répartition ? » la réponse est « oui ».
Tout le monde est désormais d’accord là-dessus, car au fond il n’y a pas de débat idéologique sur les retraites. Le débat idéologique sur les retraites, c’est le débat capitalisation/répartition. Ce débat, nous l’avons tranché depuis longtemps, parce que la répartition, c’est la solidarité entre les générations et à l’intérieur des générations. C’est notre pacte social, c’est notre lien social, c’est notre socle commun issu du Conseil national de la Résistance. C’est ce système que le Gouvernement veut sauvegarder grâce à cette réforme.

Mais puisque nous sommes tous d’accord là-dessus, alors il faut en assumer les conséquences. Si en effet vous posez par référendum la question suivante: « Etes-vous d’accord pour travailler plus longtemps ? », il y a fort à parier que la réponse sera « non », parce que spontanément, et c’est humain, peu de personnes ont envie d’y répondre « oui ». Au fond, poser cette question par référendum, c’est choisir le camp de la facilité plutôt que celui du courage.
Car alors, une fois ce résultat obtenu, quelles solutions opérationnelles en tirez-vous ? Quelles sont les autres solutions au recul de l’âge de la retraite ?
Est-ce que cela signifie que les Français veulent payer plus d’impôts pour financer les retraites ? Dans ce cas ce n’est pas un projet de réforme des retraites, c’est un projet de réforme fiscale. Rajouter des recettes comme l’opposition le propose, grâce aux 40 milliards d’impôts en plus qui pèseront sur les classes moyennes, c’est toujours une solution, mais au détriment de l’emploi et du pouvoir d’achat.
Est-ce que cela signifie qu’il faut baisser les pensions ? Les Suédois l’ont fait, le niveau de leurs pensions baisse de 3% cette année. En France, il faudrait les baisser aujourd’hui de 10%, et en 2025 de 15%.
Est-ce que cela signifie alors qu’il faut cotiser plus longtemps ? Pour rétablir l’équilibre, il faudrait porter cette durée de cotisation à 47 ans.
On le voit, à toutes ces questions, chacun répondrait « non » également.

C’est pourquoi il faut débattre, mais il faut décider. La responsabilité du Gouvernement, avec le Président de la République et le Premier Ministre, c’est de garantir aux Français que leurs retraites et celles de leurs enfants seront payées. C’est l’intérêt général.
Vous connaissez les chiffres du Conseil d’orientation des retraites (COR) : aujourd’hui une retraite sur 10 est financée à crédit. Nous n’avons pas le droit de reporter cette charge sur les générations qui viennent.
En relevant progressivement l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans d’ici 2018, nous répondons au défi essentiel qui est devant nous : la démographie. C’est le pilier de notre réforme, qui nous permet de rétablir l’équilibre du système dès cette date, j’y reviendrai.
Tous les autres pays d’Europe ont relevé leur âge de départ. En Allemagne, on a relevé l’âge de départ à la retraite. En Italie, on a relevé l’âge de départ à la retraite. En Suède, on a relevé l’âge de départ à la retraite. En Espagne, on a relevé l’âge de départ à la retraite. En Angleterre, on a relevé l’âge de départ à la retraite.
Tous ces pays ont-ils tort ? Tous ces pays ont-ils tous une vision tronquée ou erronée de la manière de réformer les retraites ? Au contraire, ces pays ont choisi la voie du bon sens, parce que j’ai déjà eu l’occasion de le dire, la retraite, c’est d’abord une question d’âge ; la retraite, c’est une question d’espérance de vie. Il y a un lien fondamental entre la durée de la vie et l’âge auquel on prend sa retraite. Changer, adapter, réformer un système de retraite par répartition, c’est d’abord adapter l’âge.

L'équilibre général de notre réforme repose sur le passage à 62 ans de l'âge de la retraite d’ici 2018 et à 67 ans de l'âge d’annulation de la décote d’ici 2023. Ce sont les points clés du texte et votre commission les a adoptés sans changements.
Deux ans de plus, c’est raisonnable : aujourd’hui on reste plus longtemps à la retraite qu’auparavant. Avec un âge de départ à la retraite à 62 ans, on restera encore plus de temps à la retraite qu’en 1980 - trois ans de plus-, simplement parce que l’espérance de vie a augmenté. Après la réforme comme avant la réforme, la France conservera le système le plus protecteur d’Europe.

Quant aux 67 ans, il faut que les choses soient claires : l’âge de la retraite en France, c’est 60 ans aujourd’hui, ce sera 62 ans demain pour une grande majorité des Français. 67 ans, c’est l’âge d’annulation de la décote pour ceux qui ont peu cotisé.

3.J’en viens à la question majeure que se posent les Français : cette réforme est-elle juste ?

Oui, cette réforme est juste, parce que chacun va faire un effort en fonction de ses capacités.
Notre réforme demande des efforts aux fonctionnaires car nous avons renforcé les mesures de rapprochement avec le secteur privé. Cet effort de convergence représente 4 Md€. Georges Tron y reviendra en détail.
Notre réforme demande aussi des efforts aux entreprises par l’annualisation des allègements de charges, ce qui représente 2,2 Md€. Quelle justification, en effet, peut-on trouver à favoriser les entreprises qui rémunèrent leurs salariés sur 13 ou 14 mois et non sur 12 ? Je vous réponds : aucune.

Enfin ceux qui gagnent plus vont être davantage mis à contribution.
Notre réforme met à contribution les hauts revenus en augmentant le taux de la dernière tranche de l’impôt sur le revenu. Elle prévoit aussi des prélèvements accrus sur les stock-options, les retraites-chapeaux et les revenus du capital. Beaucoup en parlent : nous, nous le faisons. Cela représente 1,9 Md€ au total.

Oui, cette réforme est juste, parce que ceux qui ont commencé à travailler avant les autres ou qui ont eu des carrières pénibles pourront continuer à partir au maximum à 60 ans : c’est notre majorité qui avait déjà mis en œuvre cet effort de justice en 2003 avec les carrières longues. C’est de nouveau notre majorité qui est aujourd’hui au rendez-vous de la justice en matière de retraite avec la prise en compte de la pénibilité.

En créant le dispositif de pénibilité, nous avons créé un droit social nouveau pour les Français. Ceux qui ont un taux d’incapacité égal ou supérieur à 10 % pourront continuer de partir à 60 ans. Si l’on ajoute ceux qui bénéficient du dispositif « carrière longue », que nous avons élargi à ceux qui ont commencé à travailler à 17 ans, et les catégories actives de fonctionnaires, 150 000 personnes sur les 700 000 qui partent à la retraite chaque année pourront partir à 60 ans.

Oui, cette réforme est juste, grâce à la réforme de la médecine du travail. Oui, cette réforme est une formidable avancée, parce que l’enjeu essentiel, c’est d’améliorer la prévention. Les services de santé au travail contribueront davantage aux démarches de prévention des risques professionnels dans les entreprises, en s’appuyant notamment sur des équipes pluridisciplinaires.
Je veux réaffirmer ici qu’aucune disposition relative à l’indépendance des médecins du travail n’est supprimée. S’il y avait eu le moindre risque de porter atteinte à leur indépendance avec cette réforme, jamais je ne l’aurais engagée ni portée ! Bien au contraire, cette indépendance est réaffirmée par l’examen en commission. La mission des équipes de santé au travail et des médecins du travail sera facilitée par les nouvelles dispositions au bénéfice des salariés et des entreprises.
Oui, cette réforme est juste enfin, parce qu’elle prend en compte les seniors, que nous avons trop longtemps considérés en France comme la variable d’ajustement du marché du travail. Repousser l’horizon de départ à la retraite, c’est inciter les entreprises à revoir leur politique de formation de leurs travailleurs seniors. Pour les accompagner dans leur action, nous avons prévu dans ce texte des aides en faveur de l’embauche des seniors.

Tout cela est profondément juste et humain, et nous continuons à progresser en ce sens. Votre commission des affaires sociales a réalisé de nouvelles avancées tout en confirmant l’équilibre qui avait été trouvé avec les députés.


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